Pourquoi Le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien est-il LA référence dans la littérature de fantasy moderne ?

Kinko-White - Good Evening, 2020



« Nous ne devrions jamais oublier que le voyage a commencé à Cul-de-Sac et que nous marchons tous, toujours, dans les pas de Bilbo. » G.R.R. Martin



Lorsqu’on évoque la fantasy, le nom de J.R.R. Tolkien ne tarde jamais à arriver dans une conversation, même pour les moins initiés ou amateurs du genre. Pourtant, s’il est possible et très juste de rattacher cet auteur à la fondation de la fantasy moderne, il serait faux de prétendre qu’il en est l’inventeur ou le précurseur. Bien avant lui, la fantasy a pris racine dans les écrits du Moyen-Âge et de la Renaissance, comme nous avons pu le voir et l’approfondir dans notre article sur ce genre. Brièvement, nous pourrons évoquer tout le cycle du Graal, ou encore de Beowulf, avant que les Lumières ne s’approprient le genre sous la forme de contes de fées et le popularisent. Mais tout ceci ne compose que les prémices de la fantasy classique, irradiée de merveilleux, mais aussi de réalisme lorsque les Romantiques touchent au genre.


Si l’on se penche sur la fantasy moderne, on remarque que ses débuts s’amorcent au XIXème siècle sous la plume de l’Écossais George MacDonald (on reste quand même sur les Îles Britanniques, vous noterez), au travers de deux de ses romans : The Princess and the Goblin et Phantast. Si nous l’évoquons (en dépit de son nom qui s’est quelque peu perdu dans le temps), c’est bien parce que ses ouvrages possèdent une particularité qui les distingue de beaucoup de récits de fantasy : ils sont à destination des adultes. Et c’est bien ce qui va marquer un tournant dans les histoires de fantasy, pour la plupart s’adressant à un public d’enfants. C’est d’ailleurs un élément qui a la peau dure, puisque Tolkien lui-même avait d’abord créé l’univers de ce qui serait la Terre du Milieu au travers d’une histoire pour ses enfants avec Le Hobbit. Néanmoins, cela permet d’influencer grandement les œuvres de Tolkien et aussi de C. S. Lewis, le non moins célèbre auteur de Le Monde de Narnia. Ce dernier était un ami proche de Tolkien et ils appartenaient au même cercle littéraire des Inklings (des auteurs de fantasy réunis autour d’une bonne bière dans un pub britannique, ça fait rêver, non ?). C’est donc au travers de cette cible nouvelle que se fonde l’un des éléments fondamentaux de ce que Tolkien pourra offrir en héritage à la fantasy moderne : une fantasy mature, un univers construit dans ses moindres détails, une œuvre exigeante… et surtout, le droit au merveilleux même une fois grand !

Laura Proietti - Lord of the Ring, 2020



Vous l’aurez compris, Tolkien n’est pas l’unique auteur de fantasy de son temps, pourtant, il est bien celui qui en a posé les fondations les plus solides au travers de son œuvre Le Seigneur des Anneaux, publiée en 1954 en Angleterre et en 1972 en France. Mais à quoi ce roman doit ce succès qui aura transcendé les générations et que nous a-t-il légué ? Nous avons déjà pu voir que l’ambition de s’adresser à un public adulte a participé à bâtir son ambitieux édifice. De plus, cet ouvrage s’est formalisé autour de la volonté pour Tolkien d’offrir à son court roman, Le Hobbit, toute l’envergure de la mythologie qu’il avait pu fonder autour des elfes immortels. Fameuse mythologie qui est un point essentiel de toute l’importance que revêt sa composition. Grâce à Tolkien, c’est la réinvention des mythes provenant de pays du Nord qui a défini notre vision des races fantastiques, entre nains, elfes, trolls…


Au départ de la mythologie nordique, le nain est une créature associée à la maladie, à la malhonnêteté, il peut être tantôt géant tantôt de petite taille. Il est l’incarnation de forces telluriques qui le façonnent tel un être minéral. Tolkien fige le personnage du nain dans ce que nous lui connaissons aujourd’hui comme aspect : un être de petite taille, trapue, à la barbe aussi touffue que soignée, avide, sans oublier leur habileté sans pareil comme guerriers, bâtisseurs, forgerons et orfèvres (relevons aussi une sacrée descente). C’est l’auteur britannique également qui forge cette inimitié entre nains et elfes, comme il est possible de l’observer entre Legolas et Gimli tout au long de l’épopée de la communauté, nouant plus tard l’une des amitiés les plus touchantes de la littérature imaginaire. Et puisque nous parlons des elfes, penchons-nous sur leur cas également. L’elfe n’a pas toujours été cette figure élancée, immortelle, noble (la classe à la Elrond) et dotée d’une somptueuse beauté. Un archétype qui se retrouve dans la fantasy moderne, et notamment dans les jeux de rôle. En se fiant à la mythologie nordique, la réalité apparaît tout autre. Les elfes étaient des divinités mineures reliées au culte de la nature et de la fertilité. Des êtres d’une taille pareille à celles des moineaux, quelque peu facétieux, sortes des lutins parcourant la nature. En bref, autant de figures incontournables de la fantasy moderne qui ont été dessinées et popularisées grâce à ses écrits.


Du Seigneur des Anneaux, la fantasy moderne y a également puisé toute cette construction de la société médiévale dans laquelle la possession de pouvoirs magiques permet à certaines castes de s’élever plus haut, comme par exemple les elfes dont la prétention n’est souvent pas des moindres. Toute cette mythologie, toutes ces fondations, Tolkien aura passé sa vie entière à la façonner, lui conférant toute cette substance et cette matière qui a permis et permet encore de former de nouvelles histoires à partir de ses textes. Le Seigneur des Anneaux n’est qu’une parcelle de tout le travail de mythologie qui a pu être accompli, des légendes contées, des chants écrits et de toute cette grammaire qu’il aura offert au genre de la fantasy. Un héritage précieux dont l’auteur use pour tisser des analogies, marquer la lutte entre le bien et le mal, et produire une morale au travers du médium d’un univers inventé… Et quel univers !


« Tout ce qui est or ne brille pas,

Tous ceux qui errent ne sont pas perdus,

Le vieux qui est fort ne dépérit point.

Les racines profondes ne sont pas atteintes par le gel.

Des cendres, un feu s'éveillera.

Des ombres, une lumière jaillira ;

Renouvelée sera l'épée qui fut brisée,

Le sans-couronne sera de nouveau roi. » J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux


Eoweniel - A Light in the Darkness, 2015



Plus que tout, Le Seigneur des Anneaux, dans sa composition même, trace les thèmes qui vont structurer le récit de fantasy. Dans cette œuvre, et aussi à l’instar du Hobbit (ce qui continue de nous laisser supposer que ce conte n’était que les prémices d’une ambition bien plus grande), il est question d’une quête, d’une mission qui doit être accomplie pour préserver le monde des vivants. Une structure analogue qui veut que, dans une contrée paisible, Gandalf vienne frapper à la porte de Frodon, futur héros qui n’en possède cependant pas l’étoffe, pour lui confier une mission qui le dépasse entièrement. Une mission d’une telle envergure que le magicien lui-même ne peut l’accomplir, car en dépit de toute sa puissance et de toute sa volonté, il ne peut résister au pouvoir du redoutable anneau. Il lui faut un cœur pur et honnête, qui ne saura succomber (enfin on remercie surtout Sam d’être un sacré bro dans cette histoire…). Bien malgré lui, le héros est projeté dans une épopée qui lui verra s’affronter le bien et le mal, la lumière et les ténèbres (et des patates trop cuites), se défier de tentations trop fortes pour venir à bout de l’ombre qui dévore et s’étend sur les terres plus paisibles des Hommes. Une aventure qui atteindra son apogée au cœur de batailles grandioses et dantesques, comme celle de Minas Tirith ou devant les portes du Mordor, jusqu’à ce que l’histoire achevée ne ramène notre héros dans sa contrée d’origine. Toujours le même, et pourtant, effroyablement changé. Un récit épique en trois volumes qui galvanise à la lecture et qui aura su inspirer nombre de ses pairs, dans le présent et le futur.


Le Seigneur des Anneaux, œuvre phare de J.R.R. Tolkien, aura su se réapproprier le genre de la fantasy pour lui offrir une définition et un référentiel dans lesquels l’inspiration a été puisée pour créer des œuvres de fantasy épique, des jeux de rôle, des jeux vidéo… Toute une matière fraîche dans laquelle on peut retrouver les influences de ce monde qui a été créé et qui est devenu la référence fantasy. De grands noms de la littérature de fantasy affichent leur admiration et leur inspiration pour cette œuvre, tels Robin Hobb, autrice de la saga de L’Assassin Royal, ou encore G.R.R. Martin, auteur du cycle du Trône de Fer, pour ne citer que les plus connus. Néanmoins, s’il est une chose que Le Seigneur des Anneaux nous prouve – et l’œuvre de Tolkien en général – et qu’il nous faut retenir, c’est qu’un genre peut continuer d’évoluer, de vivre au travers de l’imagination de chacun et être réécrit à l’envie. L’auteur britannique a su poser une vision authentique de ce que la fantasy était pour lui, mais cela ne la rend pas inéluctable pour autant. Ce qui a été créé d’une façon peut l’être d’une autre. Les écrits de l’imaginaire offrent cette occasion inouïe de ne pas connaître de limite, de pouvoir s’étendre au-delà des barrières du réelle. Et si la fantasy a pu être écrite différemment un jour, elle pourra tout aussi bien être réécrite demain… 



« Le monde est certes périlleux et compte bien des endroits sinistres, mais il n'en regorge pas moins de beautés ; et bien que de nos jours, l'amour soit mêlé partout au chagrin, il n'en est peut-être que plus florissant. » J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux

 

Magdalena Katańska - Forth Eorlingas, 2020



Les recommandations des Titanides :

Le Seigneur des Anneaux : La Communauté de l’Anneau - J.R.R. Tolkien

Le Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours - J.R.R. Tolkien

Le Seigneur des Anneaux : Le Retour du Roi - J.R.R. Tolkien

Le Hobbit - J.R.R. Tolkien

Le Silmarillion - J.R.R. Tolkien

Les Enfants de Húrin - J.R.R. Tolkien



Bibliographie :

The Princess and the Goblin, George MacDonald

Phantast, George MacDonald

Le Seigneur des Anneaux : La Communauté de l’Anneau, J.R.R. Tolkien

Le Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours, J.R.R. Tolkien

Le Seigneur des Anneaux : Le Retour du Roi, J.R.R. Tolkien

Le Hobbit, J.R.R. Tolkien

L’Assassin Royal, Robin Hobb

Le Trône de Fer, G.R.R. Martin

https://fr.wikipedia.org/wiki/J._R._R._Tolkien

https://fantasy.bnf.fr/fr/comprendre/tolkien-un-maitre-de-la-fantasy/

https://lepangolin.com/quest-ce-que-la-fantasy-tolkien-pere-fondateur-fantasy-moderne/

https://www.pourlesnuls.fr/articles/article/jrr-tolkien-le-pere-fondateur-de-la-fantasy

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nain_(Terre_du_Milieu)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Elfe




Retrouvez Kinko-White sur son Etsy, DeviantArt, Facebook, Tumblr, Instagram et Pinterest.



Retrouvez Laura Proietti sur son site, Behance, Imginn, Facebook et Instagram.



Retrouvez Eoweniel sur son site, DeviantArt, Facebook et Twitter.



Retrouvez Magdalena Katańska sur ArtStation, DeviantArt, Facebook, Linkedin et Behance.

Laisser un commentaire

Veuillez noter que les commentaires doivent être approuvés avant d'être publiés