Mythes et mythologies : l’héritage qui nourrit les littératures de l’imaginaire ?
Fran art - Eurydice et Orpheus, 2020
« Mais sans le mythe, toute culture est dépossédée de sa force naturelle, saine et créatrice; seul un horizon constellé de mythes parachève l'unité d'une époque entière de culture. » Friedrich Nietzsche
Les notions de mythes et de mythologies nous reviennent de temps anciens, tout d’abord de tradition orale, puis écrite. Toutefois, si les histoires et légendes sont d’autrefois, elles colorent encore les récits que nous lisons aujourd’hui, classiques ou modernes, et surtout (parce que c’est ce qui nous intéresse, on ne va pas se mentir) les littératures de l’imaginaire. Le sujet est bien vaste et il serait difficile de l’étudier en profondeur au travers d’un unique article aussi restreint, alors il ne sera question que d’évoquer les grandes notions d’un thème si passionnant !
Tout d’abord, et afin de bien comprendre, petite définition de ce que sont les mythes et mythologies, et leurs fonctions. Pour présenter les choses les plus simplement, le mythe se définit comme étant un récit dont les personnages et les actions sont imaginaires. La mythologie, quant à elle, désigne tout bonnement un ensemble de mythes associés à une culture ou une société. Si on parle donc du mythe d’Orphée descendant aux enfers pour chercher Eurydice, il est possible de le rattacher à la mythologie grecque.
Et maintenant, quelle fonction à ces mythes et mythologies ? La réponse qui apparaît est celle d’une volonté, pour l’Homme, de rationaliser ce qu’il ne pouvait expliquer. Toutes les civilisations, peu importe leur origine, se nourrissaient de croyances, qu’il soit question de dieux, d’esprits, de forces supérieures. Il était donc question d’expliquer ce qui ne pouvait pas encore l’être par des faits. À cette idée s’associe également cette appétence naturelle de l’Homme pour la création, la fondation d’un imaginaire qui vient illustrer un propos, un principe essentiel, un message. Il est possible de prendre en exemple les légendes des mythologies grecques, latines, ou encore nordiques, qui avaient vocation à instiller une part de crainte auprès de la population, un respect dévoué aux dieux pour marquer un premier enjeu de respect des règles. À partir de là, les mythes se dessinent autour de récits fantastiques et de créatures merveilleuses, qu’il soit question de minotaure, de géant, de fée, de sirène, de nain, de lutin, ou de gorgone. Toutes ces figures d’antan se rappellent encore à nous aujourd’hui, inventées, réinventées. Un véritable héritage qui a su se transmettre au travers des siècles. Et de quelle manière ? Oui, vous l’aurez deviné : grâce à la littérature !
Johan Egerkrans - Idunn, 2022
Personne n’est donc tombé de sa chaise : la littérature, les écrits, les livres ont été un transport essentiel pour porter tous ces mythes jusqu’à nous. Tout ceci a pu fonder un socle solide et immuable de nombreuses cultures. Autrement, le mythe de Prométhée aurait-il pu donner naissance à l’œuvre de Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne en 1818 ? Un récit fantastique et horrifique qui ramène la figure du monstre, mais aussi celle de ce titan d’autrefois, pure figure créatrice. Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, tant l’imprégnation des mythologies est importante au cœur des différentes civilisations.
Pour revenir à des notions plus tournées vers l’écueil de la littérature de l’imaginaire, de très nombreux motifs hérités des mythes peuvent être retrouvés : la figure du héros, le voyage initiatique, tel que celui d’Ulysse, ou encore le propos autour d’un héros élu, qui ne saurait échapper à son destin, comme ces figures grecques ou latines qui ne pouvaient échapper au fatum. Ces écrits forgent là le corps de la plupart des histoires modernes de l’imaginaire que nous pouvons retrouver dans les lettres modernes et contemporaines. Un héros, un grand péril, des créatures merveilleuses, un parcours initiatique et de construction pour que le destin du protagoniste se réalise… Voire même tout ce qui entoure l’éveil de la magie, des forces surnaturelles ou des malédictions. En somme, une matière fertile et merveilleuse dans laquelle de très nombreux auteurs ont su piocher pour construire des œuvres qui se sont elles-mêmes inscrites dans leur propre mythologie. Après tout, tout le cycle de la table ronde n’a-t-il pas éclos en une véritable mythologie, dont chaque mythe trace la destinée d’un chevalier, inspirant elle-même tout un pan de notre culture ? Et qu’en est-il de l’œuvre de J.R.R. Tolkien (oui, encore et toujours lui), qui, tout en s’inspirant des mythologies nordiques et anglo-saxonnes, a su créer un univers à part entière qui a fondé les bases immuables de la fantasy moderne ?
Rachel Smythe - Perséphone, 2021
Les mythes, les récits et les mythologies sont vivants. Ils sont une matière fertile qui ne cesse de croître, d’évoluer, de se réinventer. C’est ainsi que nos imaginaires se recréée au fil des siècles et que les figures se métamorphosent. D’un être facétieux et minuscule, l’elfe se transforme aujourd’hui en un être grand, délicat et sage dans la plupart des histoires de la fantasy contemporaine. Là est toute la magie qui réside dans la littérature de l’imaginaire : cette vaste étendue qui appelle à toute notre création, notre imagination pour créer, recréer, réinventer tout ce qui a su constituer notre propre mythologie interne et personnelle. Bien qu’on puisse être agacé parfois de l’utilisation à excès d’une même figure mythologique, comme celle du vampire par exemple au cours des dernières années, il est toujours intéressant de constater comment le mythe est remodelé. S’il s’inscrit dans une tradition plus classique, ou si le contrepied est pris de les ancrer dans une réalité bien plus moderne. Préfère-t-on le vampire de Bram Stoker, enfermé dans son manoir en Transylvanie, ou bien nos chers vampires en blouse de cuir et jeans serrés de Vampire Diaries ? Est-ce que l’on peut apprécier que les dieux grecs vivent toujours à nos jours, comme dans l’œuvre de Percy Jackson ? Ou encore même dans toute l'œuvre des Marvel, où les héros de la mythologie Nordique se battent auprès de superhéros ? Car, après tout, pourquoi se seraient-ils éteints avec les anciennes croyances ?
Certes, il peut subvenir, lors de ces réinterprétations des mythes, un risque de trahison de l’œuvre ou de véhiculer une vision populaire bien différente du matériau d’origine. Le mythe perd alors de sa substance, de son message originel. Néanmoins, il nous revient de plein droit d’y remettre du sens, ou d’adapter ce qui s’adressait à une société qui n’est plus la nôtre. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue dans la merveilleuse matière que constituent les mythes et mythologies, c’est toutes ces valeurs, ces points de repère, ces bases sur lesquels il est possible de se reposer pour créer quelque chose d’entièrement singulier. Inutile de se leurrer, il est difficile de créer quelque chose de foncièrement original, là où beaucoup de choses ont déjà été écrites et où il n’est question, pour la plupart, que d’intertextualité. Ce qui importe, c’est toute la symbolique qu’on lui insuffle, la vision que l’on donne aux choses et la manière dont on modèle cet héritage. Une fois de plus, l’imaginaire qui naît s’impose comme un médium d’un propos plus grand. Il ne tient qu’à nous de savoir quelle forme nous souhaitons lui faire prendre…
Naranbaatar - Dracula, 2022
Les recommandations des Titanides :
Lore Olympus - Rachel Smythe
Le Silmarillion - J.R.R. Tolkien
Médée - Christa Wolf
Circé - Madeline Miller
Le Chant d’Achille - Madeline Miller
Loki, Lord of Chaos - Carolyn Fallon
Hadestown - Anaïs Mitchell & Rachel Chavkin (comédie musicale, anglais)
Hadès - Supergiant Games
Les Dieux s'amusent - Denis Lindon
Bibliographie :
Frankenstein ou le Prométhée moderne, Mary Shelley
L’Odyssée, Homère
Le Seigneur des Anneaux, J.R.R. Tolkien
Dracula, Bram Stoker
Vampire Diaries, Kevin Williamson et Julie Plec
Percy Jackson, Rick Riordan
https://www.cairn.info/mythes-et-litterature--9782130595069-page-35.htm
https://calenda.org/230424?file=1
Retrouvez Fran art sur son site, ArtStation, Patreon, Twitter et Instagram.
Retrouvez Johan Egerkrans sur son site, Facebook et Instagram.
Retrouvez Rachel Smythe sur son site, Twitter, Instagram, LinkedIn et Webtoon.
Retrouvez Naranbaatar sur ArtStation, Facebook, Twitter, Instagram et Pinterest.