L'imaginaire et le féminisme

Greeendude - For the honor of gaaaayskuuuull, 2018


« Je ne fus pas étonnée du portrait qu'on y faisait de moi : la fière sorcière s'avouant vaincue devant l'épée du héros, s'agenouillant et demandant grâce.

Il semble que punir les femmes soit le passe-temps favori des poètes. Comme s'il ne pouvait pas y avoir d'histoire à moins que nous ne rampions en pleurant. » Madeline Miller, Circé


Démon. Déesse. Sorcière. Muse. Créature fantastique qui hypnotise et affaiblit, maîtresse des illusions et du mensonge, guérisseuse aux plantes magiques. ‘La femme’, comme symbole, comme outil littéraire, flirte naturellement avec l’imaginaire depuis plusieurs siècles. La femme dangereuse, la femme indépendante en particulier, celle qui s’émancipe de ce que les hommes attendent d’elle, qui les attire pourtant sans qu’ils ne le comprennent, est associée à l’inexplicable — de façon positive ou négative, selon les sentiments de celui qui la décrit. Ainsi naît Circé sous la plume d’Homère, naît Morgane, Viviane, Mélusine, et tant d’autres qui peuplent les contes, les légendes, les mythologies et les bonnes morales. 


Et si, pendant longtemps, elles n’ont pas eu la main sur leur destinée et leur narration, si l’histoire était toute écrite et souvent vue par le prisme d’un héro masculin, aujourd’hui la femme devient, peu à peu, livres après livres, une femme. Une femme parmi tant d’autres, avec des sentiments qui n’appartiennent qu’à elle, qui sont explorés et revisités avec une envie de réclamer ce qui lui appartient depuis le début : son histoire. Ainsi renaît Circé, cette fois sous la plume de Madeline Miller. 

 

Natalie Smillie - Circe


Est-ce cela, une oeuvre féministe ? Une oeuvre qui donne sa voix à une femme (ou à plusieurs), qui lui donne les rennes de l’intrigue et la laisse se débrouiller entre monstres à détruire, pouvoirs à maîtriser, gouvernments à renverser, et amours à vivre ? Un livre qui nous plonge dans le cœur d’une héroïne faisant aussi bien que n’importe quel héros ? En ce cas, le genre du Young Adult n’est pas en reste. Depuis Katniss d’Hunger Games, jusqu’à Alina de Grisha, en passant par Clarke de The 100, les livres pour jeunes adultes ont très souvent pour personnage principal une jeune femme faisant face à toutes les péripéties que l’auteur(e) lui jette au visage avec force et courage. 


Mais il n’est bien sûr pas le seul : en romance, également, ce sont en majorité des femmes qui s’expriment. Ainsi, dans le genre de la bit-lit, ces femmes qui sont des monstres, des créatures, des sorcières — parfois, selon les occasions, des fantômes — sont enfin celles qui peuvent décrire leur histoire d’amour, avec leurs mots. Sont celles qui n’ont pas besoin d’un homme mais qui, si elles trouvent le ou les bonnes personnes, s’abandonneront volontiers à un désir qu’elles assument pleinement. Une série comme Les Femmes de l’Autremonde, dont chaque livre ou presque suit une héroïne différente, devient donc, par sa nature même, une ôde à diverses féminités. 


Pourtant, force est de constater que si l’on demande à quelqu’un de citer une oeuvre féministe, ce n’est pas dans ces genres-là qu’il viendra piocher en premier. Il citera peut-être des classiques comme les livres de Colette. Des essais coup de poing comme ceux de Virginie Despentes. Ou encore des romans qui n’ont pas peur d’explorer la fragilité des droits acquis par les femmes au cours des siècles, comme le livre phare de Margaret Atwood, La Servante Écarlate (qui, bien que dystopique de nature, se ressent malheureusement comme bien plus réel qu’imaginaire…).  


Comment, alors, reconnaître le féminisme qui court à travers les pages d’un livre de fantasy, de science-fiction, ou de fantastique ?


Emily Carleton - Monstrous Regiment


L’avantage des livres féministes contemporains est qu’ils peuvent, avec grande facilité, utiliser le mot même : féminisme. Héroïnes et héros évoluent au sein de notre société patriarcale, et peuvent donc, à loisir, la juger, la condamner, se l’approprier, l’embrasser, ou la réinventer. L’avantage d’un livre imaginaire féministe est qu’il peut inventer, tout court. Créer un univers où le sexisme n’existe pas, par exemple, c’est déjà explorer une idée féministe. Raconter une histoire où l’empire d’où vient le protagoniste ne connaît pas le notion de genre, et utilise le pronom “elle” en guise de pronom neutre, comme dans La Justice de l’ancillaire  : c’est explorer une idée féministe ! L’imaginaire, comme toujours, amène à une liberté sans fin pour discuter de façon détournée de nos problèmes sociétaux. On peut y trouver des sociétés matriarcales, des sociétés égalitaires, des empires aliens qui se moquent bien de notre binaire renforcé, etc.


Bien sûr, même si le monde créé à les mêmes codes sociétaux que nous — ou plus stricts, comme beaucoup de Fantasy moyenâgeuse — les idées féministes pourront toujours montrer le bout de leur nez avec ses personnages féminins. Pour cela, la clé est peut-être, au fond, d’oublier complètement le concept de La Femme. La Femme n’existe pas. Mais il y a bien des femmes, des héroïnes, et des personnages secondaires — toutes différentes, toutes présentes. Des personnages qui, en dépit ou grâce à leur auteur(e), selon les cas, portent un souffle de liberté, de choix de leur propre destin. Choisiront d’aller contre la féminité douce et gracieuse qu’on leur impose pour se battre ou, au contraire, se rebelleront contre l’idée qu’être “douce et gracieuse” est une faiblesse.     


Une oeuvre féministe, c’est une oeuvre qui prend en tout cas le temps de comprendre qu’il y a des millions de façon d’être une femme. Qu’une femme peut être tendre, aimante, cruelle, ambitieuse, forte, musclée, brisée, sombre, heureuse, tranquille, sage, intelligente, idiote, impitoyable ou adorable, porter des robes ou des pantalons, aimer des hommes, aimer d’autres femmes, n’aimer aucun, etc. C’est une œuvre qui applique un principe très simple, à la portée de tous : tous les personnages féminins sont, avant tout, des êtres humains comme les autres. 

Pien - Éowyn, 2022



Les recommandations des Titanides :

Le cycle de Chalion : Paladin des âmes - Lois McMaster Bujold 

Le régiment monstrueux - Terry Pratchett

Circé - Madeline Miller

La Justice de l’Ancillaire - Ann Leckie 

Viendra le temps du feu - Wendy Delorme 

Les Chroniques Lunaires - Marissa Meyer



Bibliographie :

https://parchmentsha.fr/tag-litteratures-de-limaginaire-100-feministe/

https://www.lemonde.fr/archives/article/1980/01/07/feminisme-et-litterature_2799710_1819218.html 

https://www.grafiati.com/fr/literature-selections/feminisme-dans-la-litterature/dissertation/ 

Féminisme : mes conseils lectures, MxCordelia, 

https://www.youtube.com/watch?v=IcSxC-4aVP8&ab_channel=MxCord%C3%A9lia

Des livres féministes, Thereadingsisters

https://www.youtube.com/watch?v=GMdkC8cXILw&ab_channel=Thereadingsisters

Science-fiction et féminisme, MiroirsSF

https://www.youtube.com/watch?v=P_UQ_T_W6J4&ab_channel=MiroirsSF

TAG | Littératures de l'imaginaire 100% féministe !, Les bouquins de Marjorie

https://www.youtube.com/watch?v=8al030PI1cM&ab_channel=LesbouquinsdeMarjorie

https://www.youtube.com/watch?v=47Z2EVcQSEs&ab_channel=Boitamo 

She-Ra et les Princesses au pouvoir, Noelle Stevenson (DreamWorks)

L’Odyssée, Homère

Circé, Madeline Miller

Hunger games, Suzanne Collins

Grisha, Leigh Bardugo

The 100, Kass Morgan

Le régiment monstrueux, Terry Pratchett

Les Femmes de l’Autremonde, Kelley Armstrong

La Servante écarlate, Margaret Atwood

La Justice de l’Ancillaire, Ann Leckie

Les deux tours, J.R.R. Tolkien

 


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2 commentaires

  • Merci de l’article, mais plusieurs liens sont introuvables à cause d’une espace ajoutée à la fin : https://www.lemonde.fr/archives/article/1980/01/07/feminisme-et-litterature_2799710_1819218.html , https://www.grafiati.com/fr/literature-selections/feminisme-dans-la-litterature/dissertation/ , etc. Si vous corrigiez ça, il serait beaucoup plus agréable de lire l’article.

    Ronny
  • Bel article, quelques fautes de frappes mais cela prouve que ce n’est pas un robot qui écrit :)

    Corinne

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