Les remakes Disney

Mary Blair - Peter Pan, 1953


« Deuxième étoile à droite et tout droit jusqu’au matin. » Peter Pan, James Matthew Barrie


Pour nombre d’entre nous, les films d’animation Disney ont bercé notre enfance. Et si, Dieu merci, nous possédons assez d’esprit critique et de recul aujourd’hui pour constater que tout n’est pas bon à prendre, nous sommes toujours aussi heureux de chantonner à tue-tête les airs qui ont rendu nos parents fous. Et aujourd’hui encore (oui, avouez-le !) vous êtes bien heureux de vous caler dans votre canapé pour regarder un dessin animé de votre enfance ou vous fondre dans un cinéma pour mater le nouveau Disney en salle. Les nouveaux films d’animation de l’immense franchise américaine ne sont d’ailleurs pas en reste pour nous régaler d’un opus chaque année et aborder des thématiques toujours plus actuelles et dans l’air du temps. Finie l’ère des princesses en détresse et de la venue du prince charmant !


Toutefois, au milieu de toutes ces œuvres de création, les remakes des dessins animés de notre enfance pointent le bout de leur nez et éclosent de partout (comme des pâquerettes !). Disney s’empare de ses plus grands classiques pour les adapter en live-action, autrement dit, en prise de vue réelle avec de véritables acteurs (si, si !) ou un effet 3D le plus réaliste possible (et c’est là qu’on perd un peu le principe du live-action). Parmi les premiers, nous avons pu voir apparaître des adaptations en film du Livre de la Jungle, Les 101 Dalmatiens, Les 102 Dalmatiens… mais l’essor de ce nouveau modèle créatif n’a pris son envol qu’à l’entrée en scène de Tim Burton avec sa réadaptation du classique Alice au pays des merveilles au cinéma avec rien de moins que Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Anne Hathaway et Mia Wasikowska à l’écran. Sur le papier, il faut l’admettre, ça en jette ! Depuis, la machine ne s’arrête pas puisque Disney s’est attaqué à ses plus célèbres classiques tels que Aladdin, La Belle à la Bête, Cendrillon, Peter Pan, Le Roi Lion, et tant d’autres ! Et les prochains remakes sont déjà en route, comme La Petite Sirène, Blanche-Neige et les Sept Nains, Pinocchio, Merlin l’Enchanteur... et une peuplade d’autres adaptations. Bref, ils passeront presque tous sous la moulinette des studios Disney. Mais toutes ces adaptations, à quelle fin ? Perte d’imagination ? Effet nostalgie ? Réinvention de l’œuvre ? On tente de décrypter un peu tout ça…

 

Walt Disney Pictures - Le Bossu de Notre-Dame, 1996


Les raisons, voire théories, pour expliquer les motivations des studios Disney se veulent assez multiples. Si on est à peu près sûr que le mot « argent » clignote en grand dans leurs esprits, il n’en est pas moins vrai que la firme internationale tend à jouer sur l’effet de la nostalgie. Pour beaucoup, les dessins animés Disney ont tapissé notre enfance au point d’en épuiser les bobines (mais dans le fond, ce n’était pas grave, parce qu’on les connaissait déjà par cœur !) et ils demeurent une part importante de nous. Si l’adolescence nous aura tous fait passer par la phase « Je n’aime pas Disney, c’est pour les bébés », l’arrivée dans des années plus matures nous rappelle que pour aimer Disney, il n’y a pas d’âge. Et la boucle se perpétue inlassablement lorsque nous amenons la magie de Disney aux nouvelles générations. La nostalgie est véritablement le gros moteur de ces remakes : à la fois pour s’accaparer un nouveau public chez la jeunesse, et pour rappeler l’âme d’enfant des adultes. Un combo parfait pour emmener petits et grands en salle. En soi, l’idée est de profiter d’un vieux succès pour rassembler les foules. 


Mais du coup, bonne ou mauvaise chose ? Il ne s’agira pas ici de faire la liste de toutes les adaptations qui ont pu être faites et de pointer du doigt les bonnes et les mauvaises. Le principe d’un remake, en lui-même, n’est pas une mauvaise chose. Il appartient au nouveau réalisateur qui s’empare d’une œuvre d’y apporter sa propre interprétation, sa propre voix et  de réinventer l’histoire. Les remakes ne datent pas d’hier, et on a été bien heureux que Peter Jackson ait décidé de prendre les choses en main après une première adaptation douteuse du Seigneur des Anneaux en dessin animé. Ce qui importe dans le fond, c’est la manière dont cela est fait. Disney jouit d’une histoire de plus d’un siècle et certains de ses films témoignent d’un autre temps, d’une autre société et d’autres mœurs qui sont en décalage avec nos pensées d’aujourd’hui. Il est assez aisé de constater la volonté des studios de vouloir faire amende honorable d’illustrations trop patriarcales, de traditions dépassées ou d’une image attentiste de la femme. Si les nouveaux dessins animés savent prendre le contre-pied de ces anciennes modes et apportent des valeurs plus actuelles, les remakes se donnent pour mission de corriger les œuvres originales. Aussi pourra-t-on voir Jasmine devenir sultane à la suite de son père, Alice combattre l’anticonformisme de son monde, ou encore des méchants vivre leurs heures de gloire. 

 

Walt Disney Pictures - Tangledt, 2010


Mais du coup, est-ce que les films Disney arrivent véritablement à insuffler un renouveau ou à corriger leurs erreurs dans ces créations ? Il est d’abord important de mettre de côté les adaptations qui ne sont qu’une copie du dessin animé existant, où nous pourrions citer Le Roi Lion sans guère de surprise. Pour ce qui est de corriger les erreurs, l’effet est à double tranchant. La beauté originelle d’un Disney réside dans ce qu’il veut transmettre. Il ne faut pas oublier que la majorité des classiques Disney sont une propre adaptation de contes d’autrefois, que ce soit par les frères Grimm, Madame d’Aulnoy, Charles Perrault, Madame de Lafayette, Hans Christian Andersen pour ne citer qu’eux, et qu’ils flirtent entre merveilleux et onirisme. Les films d’animation n’avaient pas pour vocation d’apporter du réalisme, mais d’éparpiller des messages, d’offrir une belle histoire et de transmettre une morale au travers d’allégories travaillées. La magie s’institue en ces territoires enchanteurs, parfois inquiétants, et il n’est pas grave d’être manichéen, de perdre en rationalisme, ou de vouloir être simple pour faire passer un message particulier. Un personnage est méchant ? Inutile de lui inventer toute une histoire pour expliquer les raisons de cette cruauté. Il est censé incarner le mal et s’opposer à la morale du héros. 


Cela est probablement une des principales critiques qui peut être faite aux adaptations des films Disney. Vouloir apporter des explications et du réel là où le merveilleux et l’imaginaire s’incarnent comme une force de transmission. Les films de Maléfique ou Cruella –bien qu’intéressants dans leur proposition– prennent le parti d’expliquer les origines et les sources de ce mal, ou prennent même le risque de transformer ces créatures du mal en « gentilles ». Des œuvres qui donnent du sens là où il ne devrait pas nécessairement y en avoir. La magie s’évapore au profit d’un pragmatisme qui gomme la magie et la satire de l’œuvre originelle. Avant tout, les Disney sont des films de l’enfance, empreints de naïveté et de candeur (parce que, soyons honnêtes, on ne comprenait pas la moitié de ce qu’il se passait) qu’il nous est plaisant de retrouver à l’âge adulte. Et il peut être dommage de vouloir créer des œuvres qui vont correspondre à tous les âges et de s’emporter dans une complexification qui va desservir le propos de base. Toutes ces adaptations ne sont évidemment pas mauvaises et elles ont su apporter des propositions nouvelles et intéressantes, malheureusement, il semble leur manquer un petit quelque chose d’unique et de magique. Cependant, Disney n’a pas dit son dernier mot et c’est un florilège de nouvelles adaptations qui vont suivre dans les prochaines années. Alors, qui sait, la magie pourrait renaître…

 

Artgerm - Wicked, 2014



Les recommandations des Titanides :

La Belle et la Bête - Jean Cocteau

Neverland - Marc Forster

Moi, Peter Pan - Michael Roch 

Le Château de Hurle - Diana Wynne Jones

Hook - Steven Spielberg

Le Magicien d’Oz - Victor Fleming

Kirikou - Michel Ocelot

Matilda - Danny DeVito

Anastasia - Don Bluth, Gary Goldman


Bibliographie :

https://welovecinema.bnpparibas/a-la-une/disney-quand-les-dessins-animes-deviennent-de-vrais-films

https://www.ecranlarge.com/films/dossier/1351041-apres-mulan-le-roi-lion-tous-les-remakes-disney-des-50-prochaines-annees

https://www.youtube.com/watch?v=Z3KglcU6_OA&ab_channel=MJ-FERMEZLA

Les 101 Dalmatiens, Stephen Herek (Walt Disney Pictures)

Les 102 Dalmatiens, Kevin Lima (Walt Disney Pictures)

Le Livre de la Jungle, Stephen Sommers (Walt Disney Pictures)

Alice au Pays des Merveilles, Tim Burton (Walt Disney Pictures)

Aladdin, John Musker et Ron Clements (Walt Disney Pictures)

La Belle et la Bête, Gary Trousdale et Kirk Wise (Walt Disney Pictures)

Cendrillon, Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Luske (Walt Disney Pictures)

Peter Pan, Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Luske (Walt Disney Pictures)

Le Roi Lion, Roger Allers et Rob Minkoff (Walt Disney Pictures)

Le Roi Lion, Jon Favreau (Walt Disney Pictures)

La Petite Sirène, John Musker et Ron Clements (Walt Disney Pictures)

Blanche-Neige et les Sept Nains, David Hand (Walt Disney Pictures)

Pinocchio, Hamilton Luske et Ben Sharpsteen (Walt Disney Pictures)

Merlin l’Enchanteur, Wolfgang Reitherman (Walt Disney Pictures)

Le Seigneur des Anneaux, Peter Jackson (New Line Cinema)

Le Seigneur des Anneaux, Ralph Bakshi

Maléfique, Robert Stromberg (Walt Disney Pictures)

Cruella, Craig Gillespie (Walt Disney Pictures)




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