L’univers de Brandon Sanderson

par Élodie Lyonnet 26 novembre 2021

CarloswkArt - Elantris, 2019

« Les gens me demandent combien d’heures par jour j’écris. Ils ne comprennent pas.

Ce n’est pas une question de combien ‘d’heures’ j’écris. Je suis toujours en train d’écrire. Quand je suis à la salle de sport, j’écris. Quand je suis en cours, j’écris. Quand je suis dans un avion, j’écris. Il est peut-être possible de quantifier le temps que je passe sur une chaise à écrire sur un ordinateur, mais de bien des manières, ce sont souvent les moments d’écriture où je suis le MOINS productif. » Brandon Sanderson, Do you have any advice for nanowrimo writers.

Commençons par une vérité : difficile de décrire l’univers de Brandon Sanderson en quelques mots, et même quelques paragraphes. Si plusieurs de ses séries et autres nouvelles existent dans un même univers, le Cosmère, le lien entre elles ne peut (en tout cas, à ce jour) être entraperçu que par les plus fidèles lecteurs, notamment par l’apparence de personnages ici et là d’une série à l’autre, ainsi qu’une mythologie cosmologique commune. Il faudrait donc tout d’abord étudier avec soin tous ces livres-là, déjà si différents les uns des autres, avant de se pencher sur ses autres histoires — et il y en a beaucoup. Brandon Sanderson est un auteur non seulement plein d’imagination, mais aussi extrêmement prolifique.

C’est pourquoi nous prenons le parti dans cet article non pas de disséquer ses œuvres dans le but d’y découvrir leurs similitudes et leurs différences, mais de nous pencher plutôt sur l’auteur lui-même et les procédés qu’il utilise pour écrire. D’explorer ce qui fait de lui un nom populaire de la littérature de l’imaginaire anglo-saxonne et pourquoi il est intéressant, pour tous ceux fascinés par l’art de l’écriture, de prendre le temps d’écouter ses cours magistraux ou de lire ses conseils sur le sujet.

Marcela Medeiros - Vin, 2019

Brandon Sanderson est un auteur américain de fantasy. Passionné par cet univers depuis son plus jeune âge, avide lecteur, c’est pourtant des études de biochimie qu’il débute à l’université avant de s’interrompre pour partir en Corée du Sud pendant deux ans en tant que missionnaire. En revenant, il abandonne la chimie en faveur de la littérature anglaise, et se spécialise durant son master en écriture créative. Il écrit alors en permanence. Ce ne sera pourtant qu’après avoir écrit une douzaine d’histoires, sans trouver de succès auprès d’un éditeur, que la maison d’édition Tor décidera de travailler avec lui.

Son premier roman, Elantris, est publié en 2005 (en 2011 en France, et en deux parties — Chute et Rédemption). Dès lors débute une véritable carrière d’écrivain — un rêve rarement accordé — dont la prolificité est certainement enviable. Parmi ses titres les plus célèbres, on citera la fameuse série Fils-des-brumes qui, de la bouche même de l’auteur, est la meilleure introduction possible à son oeuvre, mais aussi les Archives de Roshar, et L’âme de l’Empereur, qui se situe dans le même univers qu’Elantris et a gagné le prix Hugo du meilleur roman court en 2013.

Et nous ne listons ici que des livres de Fantasy : il est cependant important de noter que Brandon Sanderson ne se cantonne pas à cet univers seul. Il écrit aussi notamment en Science-fiction, avec des titres tels que la série Skyward et The Reckoners.

Enfin, c’est également Brandon Sanderson qui, à la suite du décès de Robert Jordan, a repris le flambeau pour terminer La Roue du Temps. Un travail et une responsabilité qui demande d’avoir les épaules fortes et l’esprit bouillonnant, certes, mais également une excellente maîtrise de l’écriture, de ses divers emplois et procédés, et l'œil et la plume fine pour analyser le style d’un auteur et se l’approprier.

Vedtom D - Kaladin, Stormblessed, 2020

Cette maîtrise, Brandon Sanderson la possède. Si la diversité de chacune de ses histoires, dans des univers complexes et fascinants, n'est peut-être pas une preuve suffisante pour tout le monde, il suffit de l’écouter parler d’écriture pour comprendre qu’on a devant nous un homme qui sait construire une histoire. Mais aussi une intrigue. Et peut-être surtout, car c’est là que réside sa plus grande force, un monde entier. Une qualité somme toute essentielle lorsque l’on désire écrire en Fantasy, et qu’on ne peut s’appuyer sur notre bonne vieille réalité pour y placer nos personnages.

Sa théorie sur les systèmes de magie, différenciant la « magie douce » et la « magie dure », fait partie de ces idées qu’il est désormais incontournable de connaître lorsque l’on souhaite créer les règles et les effets de son monde. Il est aussi très éloquent lorsqu’il s’agit d’expliquer la métaphore de l’Iceberg : ce que doit voir le lecteur, c’est la partie immergée de l’iceberg, c’est-à-dire le monde dans lequel les personnages évoluent. Mais pour que ce même monde se tienne et reste cohérent, il faut que l’auteur, lui, ait une vision plus bien plus poussée. Qu’il connaisse ce qui se cache dans les profondeurs des eaux, là où le reste de l’iceberg est submergé…

Au-delà de cette connaissance théorique, Brandon Sanderson est aussi enthousiaste à l’idée de partager des conseils pratiques d’écriture. Sans en faire des lois, car comme il le dit souvent, chaque auteur travaille différemment, et ce qui marche pour l’un ne marchera peut-être pas pour un autre. Il aborde de façon candide sa propre façon de travailler à travers ses cours, mais aussi sur son site et son podcast, Writing excuses. Des véritables ressources pour tout auteur souhaitant se perfectionner dans l’art capricieux de l’écriture.

Alors pourquoi s’intéresser à Brandon Sanderson ? Tout d’abord pour sa diversité — puisqu’il s’essaie si souvent à des univers distincts, tous ses livres ne plairont peut-être pas à une seule personne… Mais au moins une de ses histoires vous agrippera très certainement. Ensuite, parce que son talent si particulier vient d’une exploration plus profonde de ce que cela veut dire, écrire une histoire. Brandon Sanderson est prompt à étudier et disséquer les mécaniques qui se cachent derrière le beau visage d’un roman fini, ce qui l’aide par la suite à donner à ses romans une réelle impression de travail maîtrisé de bout en bout. Enfin, parce qu’il offre ce que nous ne pouvons que recommander, encore et encore, à tout auteur, débutant ou expérimenté : des outils, des pistes et des conseils d’écriture pour ne jamais cesser de se perfectionner.

Libre ensuite de les ignorer, bien évidemment. Mais l’auteur qui n’est pas curieux de l’expérience d’autres écrivains risque toujours de s’enfermer dans une voie sans issue au fil du temps...