L’univers d’Harry Potter
VladislavPantic - Harry Potter and the Chamber of Secrets, 2020
« Ce sont nos choix, Harry, qui montrent qui nous sommes vraiment, beaucoup plus que nos aptitudes. » J.K. Rowling, Harry Potter et la Chambre des secrets
Il y a des moments qui marquent une vie ; qui pressentent quelque chose de bien plus grand qu’on ne pourrait l’imaginer alors. Par exemple, lire à 9 ans les premiers chapitres d’un livre que votre mère vous a acheté, et déclarer avec confiance : « Charlie et la Chocolaterie c’était mieux ». Et ce, bien sûr, avant de développer un réel attachement pour Harry Potter quelques chapitres plus tard, dévorer les autres livres déjà publiés, puis passer les années suivantes à approfondir sa nouvelle passion en attendant les prochains tomes, en découvrant les films au cinéma, en jouant aux jeux vidéos, ou en visitant le site de l’autrice, regorgeant de petits secrets pour les fans les plus curieux…
À échelle plus large, le phénomène Harry Potter a bouleversé la vie de millions d’enfants à travers le monde (et de plus grands, bien sûr). Après avoir été refusé par plusieurs maisons d’édition, le jeune sorcier de 11 ans est devenu en l’espace de quelques mois une icône de la culture populaire, s’invitant dans les maisons, les cours d’école, et le florissant monde d’Internet. Et sa popularité n’a, depuis, cessé de grandir. La première vague d’enfants à l’avoir découvert et aimé le font aujourd’hui lire à toute une nouvelle génération. Parfois, le livre est même étudié dans les classes d’école. Que l’on ait été de ceux qui l’ont adoré, ou de ceux qui n’ont pu y accrocher, il semble impensable aujourd’hui que quelqu’un puisse entendre le nom Harry Potter et déclare ne pas savoir de quoi il s’agit.
Nous souhaitons dans cet article faire un (bref) tour d’horizon du monde d’Harry Potter : sa genèse, les messages portés par les livres, ses diverses adaptations et les étendues de l’univers déjà existant, mais sans oublier les diverses controverses, critiques et polémiques qui sont aussi désormais inextricablement liées à la franchise.
darylsleftboob - Post-war Harry Potter, 2022
Il y a des destinées dont rêvent la plupart des auteurs. Avoir une idée au bord d’un train, se lancer à corps perdu dans le projet, ne pas y renoncer malgré les refus, et recevoir à la clé le succès tant désiré — le sort de J.K. Rowling ressemble à ceux que l’on peut voir dans les films. Car c’est bien au milieu d’une période très difficile de sa vie, où elle élevait seule sa fille dans la précarité, que l’image de Harry sur son balai naît dans son esprit, et s’ancre par la suite sur tous les papiers qu’elle peut trouver pour devenir le sorcier à la cicatrice en forme d’éclair que l’on connaît aujourd’hui. Bien qu’il soit facile, rétrospectivement, de regarder tout ce travail sous un angle plutôt Romantique — ah, l’auteur sans le sou écrivant à ses heures perdues dans un petit salon de thé d'Édimbourg ! — il faut donner ici à J.K. Rowling ce qui lui est dû : rien n’était gagné, et rien n’était sans doute aisé. Il faut beaucoup de ténacité et de courage pour réussir à écrire lorsque les circonstances jouent contre vous.
Il faut aussi de l’espoir. Quoi d’autre pour imaginer un avenir au-delà des refus des nombreuses maisons d’édition ? Quant au dernier élément de la recette, il est clair : il faut des agents littéraires et des éditeurs qui n’ont pas oublié que l’édition, c’est aussi le goût du risque et une certaine confiance dans l’inconnu. C’est aussi donner sa chance à cette autrice qu’on ne connaît pas, pour un livre destiné aux enfants, à l’époque où la littérature enfantine n’était pas reconnue du tout.
Burdge - Gold and Silver, 2019
En un sens, l’histoire du succès des romans Harry Potter reflète l’histoire portée par les romans. Une histoire qui encense le courage, l’intrépidité et la persévérance : qualités essentielles pour continuer à faire ce qui est juste dans un monde où la justice elle-même est discriminatoire.
L'œuvre est aussi une ôde à l’amitié, avec un trio central inoubliable, et des personnages secondaires tout aussi fantastiques. Elle demande au lecteur d’aller au-delà des apparences, encore et encore : ainsi Hermione, d’abord jugée comme insupportable par Harry et Ron, devient leur meilleure amie, une personne qu’ils admirent pour sa loyauté, son intelligence imbattable et, ne l’oublions pas, une certaine dose de férocité. Mais l’on pourrait aussi parler de Luna Lovegood, d’abord considérée comme « timbrée », avant que nos héros comprennent sa sagesse. Une autre idée ancrée dans les lignes du roman est celle du potentiel inné que chacun porte en soi. Un potentiel qu’il faut nourrir et apprendre à reconnaître — souvent grâce au soutien de ses proches et du monde extérieur. Et quel meilleur exemple ici que Neville Londubat, qui parvient au cours de ses sept années à Poudlard à devenir un sorcier accompli et le parfait représentant de sa maison… Les romans appuient enfin sur la notion de choix, et l’importance qu’ils peuvent avoir. Les bons — le sacrifice d’Harry dans le dernier tome — comme les mauvais — les Potter choisissant de faire de leur ami discret leur Gardien des secrets, plutôt que le meilleur ami de James, les conduisant de facto à leurs morts…
Bien qu’Harry Potter suive le schéma classique des romans d’apprentissage, avec un héros qui apprend au fur et à mesure de ses aventures à maîtriser ses pouvoirs, à approfondir ses connaissances — sur lui-même, sur le monde qui l’entoure, sur ses alliés et ses ennemis — pour finalement triompher dans les derniers chapitres (gagnant ainsi le droit à une vie apaisée), les leçons que les livres apportent n’en sont pas moins fortes et importantes pour tous les jeunes esprits qui les assimilent. Néanmoins, c’est peut-être un autre aspect de l’histoire qui a aidé à son succès mondial, et qui a impacté de façon si profonde une génération entière : son monde.
Burdge - Gold and Silver, 2019
Car au-delà des personnages, au-delà de la morale de l’histoire, il y a le monde des Sorciers. Il y a Poudlard et ses quatre maisons. Il y a le Chemin de Traverse, Pré-au-Lard, et tous ces autres endroits merveilleux qui ne font pas partie d’un autre univers de Fantasy, auquel on peut rêver tout en sachant l’impossibilité de son existence. Non. Tous ces lieux existent, dans Harry Potter, en Grande-Bretagne. Ils sont cachés, oui — mais pas inaccessibles, pour celui qui sait les trouver. C’est avec un tel monde que le feu a pris. Car quel enfant ayant lu Harry Potter n’a pas guetté sa lettre pour Poudlard un jour ? Rêvé d’aller en cours de Métamorphose plutôt qu’en cours de mathématiques ? Le monde d’Harry Potter a offert à tous ces jeunes qui aiment s’échapper de la réalité le temps d’un livre un univers de fantasy qui se trouvait la porte à côté. Un univers où il était facile de se glisser, à condition d’avoir l’imagination fertile et gourmande de magie.
Et bien que le système de maisons ne soit pas du tout une invention de J.K. Rowling, mais simplement une copie du système scolaire anglais, sa particularité d’y associer des “qualités recherchées et appréciées” par les Fondateurs de celles-ci est la cerise sur le gâteau. À tout âge, l’être humain aime ses catégories : nous aimons avoir des mots précis qui décrivent qui nous sommes, qui nous permettent d’avoir une image claire de nous-mêmes… C’est pour cela qu’on aime tant les tests de personnalités ! Mais pour des enfants qui se construisent, des jeunes adolescents qui se cherchent, Gryffondor et sa bravoure, Serdaigle et son intelligence, Poufsouffle et sa loyauté, et Serpentard et sa ruse offrent une fondation facile à s’approprier ; une base sur laquelle s’appuyer pour grandir et devenir la personne que l’on veut être ; et une opportunité idéale pour créer autour de la franchise une liste sans fin d’objets diverses et variés que les fans s’empresseront d’acheter à la couleur de la maison à laquelle ils s'identifient…
Guad - Hogwarts Houses Windows, 2009
Car qui dit succès mondial dit bien évidemment produits dérivés. Adaptations. Élargissement de l’univers. Et plus encore… Si les livres sont la source première de l’engouement général pour la saga, les films ont permis d’atteindre une audience encore plus large, permettant à ceux préférant les images aux mots de s’immiscer à leur tour dans l’univers Harry Potter, et créant en même temps des lieux et des objets iconiques faciles à reproduire. C’est avec les films que l’on créa les uniformes typiques de Poudlard, les baguettes magiques, mais aussi les friandises incontournables de nos sorciers : les chocogrenouilles, les dragées de Bertie Crochue… C’est avec l'imagerie des films que se sont bâtis les parcs d’attraction, les divers jeux vidéos, les jeux de sociétés, etc. Pour les plus férus des fans, des livres reproduisant les Contes de Beedle le Barde, ou encore des manuels scolaires de Poudlard (joyeusement annotés de la main de Ron, Harry et Hermione) sont également parus. Tout cela créant une atmosphère encore plus propice à une immersion quasi-totale dans l’univers magique.
(une petite note supplémentaire ici, dédiée au Quidditch, le célèbre sport des sorciers se déroulant sur des balais — là aussi, l’immersion a gagné. Car il est depuis plusieurs années maintenant possible non seulement de jouer au Quidditch, mais même de participer à des compétitions mondiales. Alors certes, impossible de voler sur ces balais-ci. Mais cela montre la ferveur autour de cette série, qui a permis la création d’un tout nouveau sport dans notre monde à nous de Moldus…)
Pendant de nombreuses années, d’abord sur le site de l’autrice, puis sur les deux versions du site Pottermore, il a également été possible de découvrir de nouvelles informations sur les personnages et l’univers des romans. Néanmoins, ces trois plateformes différentes ont finalement fermé pour faire place à une nouvelle, plus encyclopédique, englobant la nouvelle franchise d’Harry Potter : les Animaux Fantastiques. Dérivée d’un de ces fameux manuels scolaires, Les Animaux Fantastiques étendent l’univers d’Harry Potter bien au-delà de ce qui avait été connu jusqu’alors, plaçant l’action aux États-Unis, des décennies avant la naissance d’Harry Potter. Une œuvre à la fois familière et nouvelle, jouant de la nostalgie tout en tentant de nouvelles choses, se voulant plus adulte et mature (pour suivre ses fans de la première heure ?).
Néanmoins, cette série-là — uniquement cinématographique — a eu plus de mal à trouver son public et à convaincre jusqu’à présent. Un signe peut-être qu’il y avait dans Harry Potter quelque chose d’unique et d’attractif, qui peine à se ressentir dans cette nouvelle histoire. De plus, en dehors de l’intrigue et de la qualité générale des films, beaucoup d’éléments s’accumulent peu à peu autour de la franchise et rendent nerveux les studios : déboires des acteurs, polémiques avec l’autrice… Autant d’ennuis cumulés qui ont récemment amené la Warner Bros à annoncer qu’ils allaient freiner sur la franchise, et ce, alors que le troisième film vient juste de sortir…
Spider - Get back here, 2016
Est-ce que l’engouement n’est plus au rendez-vous pour Harry Potter ? Ce serait un mensonge que de dire qu’il n’existe plus. Néanmoins, il est impossible de ne pas penser que l’heure de gloire et l’apogée de son succès sont passés. Non pas parce que les livres cessent de résonner dans le cœur des enfants, mais bien parce que l’histoire se teinte peu à peu des controverses liées à plusieurs propos transphobes de J.K. Rowling ces dernières années, on ne peut plus dangereux quand on sait à quel point est vive la discrimination envers les personnes transgenres, et à quel point l’influence de J.K. Rowling est grande, notamment en Grande-Bretagne.
Et cette nouvelle méfiance pour une autrice, qui avait été auparavant adulée, amène avec elle des relectures critiques de l’oeuvre première, accusée de nombreux stéréotypes et autres éléments problématiques : les noms de certains personnages, comme celui de Cho Chang, le traitement des elfes de maison, esclaves qui « aiment servir » et refusent d’être libérés, à part Dobby, la lycanthropie comme miroir des personnes souffrant du Sida, représenté certes par le doux Rémus Lupin, mais aussi des loups-garous choisissant spécifiquement des enfants comme proies, ou encore le traitement des Gobelins, historiquement utilisés pour caricaturer des juifs, et les implications liées de fait à leur rôle dans l’univers d’Harry Potter (banquiers du monde sorcier, ayant l’interdiction d’utiliser des baguettes magiques, etc. — ce dernier sentiment a été ravivé très récemment par l’annonce d’un nouveau jeu vidéo se situant dans l’univers d’Harry Potter, et dont une partie de l’intrigue semblerait tourner autour d’une rébellion des Gobelins… que le héros de l’histoire doit stopper).
Si ces sentiments ne sont pas partagés ou reconnus de tous, ils ont bel et bien eu un impact sur l’investissement des fans dans Harry Potter. Sans compter ceux qui supportent les idées de l’autrice, deux clans se sont formés aujourd’hui : celui qui prône le détachement de l’autrice et de l'œuvre — sans doute le choix le plus visible, illustré notamment par l’émission spéciale tournée pour l’anniversaire des films, où J.K. Rowling n’a pas été conviée — et qui est aussi familier (après tout, ne lit-on pas des livres parfois considérés comme classiques, écrits par des auteurs qui, de leur vivant, étaient sexistes, ou racistes, ou les deux ?), et celui qui a perdu le goût et l’amour de l'œuvre petit à petit ; qui considère que de continuer à supporter l'œuvre et ses produits dérivés, tant avec son argent, en achetant des places de cinéma, par exemple, tant qu’avec son investissement et sa passion, aussi ancienne soit-elle, revient de facto à soutenir J.K. Rowling, qui est bel et bien en vie et active dans son pays.
Malgré tout, malgré ces revirements malheureux, on n'enlèvera pas à Harry Potter la profonde marque qu’il laisse dans notre imaginaire culturel, ni l’impact qu’il a eu pour un nombre incalculable de personnes à travers le globe. Pour tous les enfants qui ont grandi en rêvant de Poudlard. Peut-être que désormais d’autres prendront sa place. En attendant, peut-être faut-il se rappeler des messages essentiels des romans sur l’amitié, le courage, la générosité, ou encore le combat tenace contre l’injustice et la haine.
Se souvenir de garder une lumière allumée, pour réussir à trouver du bonheur même dans les heures les plus sombres…
satzzzart - Wolfstar raises Harry, 2022
Les recommandations des Titanides :
Pour les fans de mythologie : Percy Jackson - Rick Riordan
Pour une lecture axée sur les duretés de la guerre : Animorphs - K. A. Applegate
Pour un monde complexe et fascinant : À la croisée des mondes - Philip Pullman
Pour une lecture française : Tara Duncan - Sophie Audouin-Mamikonian
Pour les amateurs de parodies et de comédies musicales : A Very Potter Musical - Starkid
Bibliographie :
https://fr.wikipedia.org/wiki/J._K._Rowling
https://www.madmoizelle.com/jk-rowling-transphobe-1055687
https://puentera.medium.com/the-inherent-homophobia-of-the-harry-potter-series-ffadedb6de9c (EN)
https://studybreaks.com/tvfilm/fantastic-beasts-secrets-of-dumbledore/ (EN)
https://studybreaks.com/culture/reads/rowling-ownership/ (EN)
Retrouvez VladislavPantic sur son site, Deviantart et Instagram.
Retrouvez darylsleftboob sur Tumblr.
Retrouvez Burdge sur son site, DeviantArt, Instagram et Tumblr.
Retrouvez Guad sur DeviantArt.
Retrouvez Spider sur DeviantArt, Redbubble, Twitter et Tumblr.
Retrouvez Satzzzart sur son site, Twitter, Instagram et Tumblr.