Entretien avec Corentin Ruffet
Bonjour Corentin, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Bonjour, je suis un Breton né avant le nouveau millénaire, ce qui signifie que j’ai eu du temps pour pratiquer l’écriture !
Avant cela, j’étais, et je suis toujours, un lecteur assidu. J’adore les jeux de rôle, et il s’avère que j’ai aussi souvent sauvé le monde, voire l’univers… à travers des œuvres vidéoludiques, bien sûr ! Je pratique les arts martiaux, la batterie, le dessin, mais priez pour ne jamais m’entendre chanter…
Pour le côté « officiel », je suis titulaire d’une Licence en Histoire de l’Art et Archéologie et je travaille au sein d’un musée d’arts. L’écriture n’est pas un travail à plein temps malheureusement. Peut-être un jour, qui sait ?
Comment vous est venu le goût de la lecture et de l’écriture ?
Une tante m’a offert au Noël de mes 11 ans deux livres. L’amulette de Samarcande de Jonathan Stroud et surtout Zémal, l’épée de feu de Javier Negrete, tous deux les premiers tomes de leur saga respective.
Honte à moi, j’ai préféré jouer aux jeux vidéo plutôt que de lire à l’époque ! Pourtant, ces deux livres trônaient sur mon étagère, patientant... Je m’y suis mis éventuellement, et là, ce fut comme si on m’avait ouvert les portes d’un autre univers ! J’avais aussi été assez impressionné que ma tante me croit assez mature pour ces récits parfois très adultes.
Au collège, j’ai eu l’occasion de lire le manuscrit du grand frère d’un ami. J’y ai décelé les qualités, mais aussi les défauts. Fort de ce constat, je me suis dit que je pourrais moi-même raconter des histoires. Mes talents en dessin n’étant pas assez bons pour devenir mangaka/illustrateur, je me suis tourné vers l’écriture.
Depuis, diverses personnes ont jalonné mon parcours. Mes parents m’ont toujours soutenu, mes amis étaient assez gentils pour m’écouter déblatérer sur les mondes et les histoires que je créais. J’ai aussi échangé avec d’autres jeunes auteurs, puis des plus chevronnés. Enfin des éditeurs… Et me voici aujourd’hui. J’ai hâte de voir jusqu’où cette route va me mener !
Y a-t-il une œuvre en particulier qui vous a marqué ?
Le Nom du Vent de Patrick Rothfuss. Si vous avez un doute que la magie existe, lisez ce livre.
Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de devenir écrivain ?
C’était la suite logique de mon parcours. Quand j’écris, c’est indescriptible. Une sorte de plénitude. C’est très dur parfois, mais il y a des moments de magnificence, comme si rien ne pouvait m’arrêter. Et quand je n’écris pas, je ressens un manque…
Et puis, qui ose gagne, n’est pas ? Alors, je me devais de tenter le coup pour ne rien regretter !
Vous avez déjà écrit et publié d’autres romans dans le passé. Pouvez-vous nous expliquer comment se sont passées ces expériences ?
Se réveiller un matin avec une réponse positive suite à une soumission de manuscrit fut l’une des meilleures manières de commencer ma journée ! J’avais l’impression d’être le roi du monde ce jour-là. Il s’agissait d’un envoi standard. Le livre est paru assez rapidement ensuite. C’est étrange comme tout semble s'enchaîner parfois.
Le second fut tout à fait différent. Je fais partie d’un groupe de créateurs, Les Aliénés de Cthulhu. Nous proposons des sessions de jeux de rôle, utilisons internet pour diffuser une série d’actualplay et diversifions les médias pour proposer un vaste panel de contenus de qualité. Lors d’une convention à laquelle nous fûmes conviés, j’ai eu le plaisir de rencontrer plusieurs personnalités dans le domaine littéraire, dont l’éditeur d’Inceptio de l’époque, avec qui j’ai pu échanger. De cette rencontre sont nés notre partenariat et la sortie du second roman.
Le troisième, celui qui sort ce mois-ci, a été le projet retenu par les Titanides pour leur appel à texte. Je les remercie encore pour leur confiance et l’opportunité qu’elles m’ont offerte. Les corrections furent longues, mais j’ai la sensation d’avoir proposé une pierre brute qui a été polie au fil des mois pour donner ce livre exceptionnel. Je suis à la fois fier du roman, mais aussi de notre collaboration.
Comment vous est venue l’idée des Derniers Rêveurs ? Quelles sont vos inspirations pour cet univers ?
J’ai, dans mes cartons, beaucoup de morceaux d’histoire ou de background à utiliser quand je sens que cela peut apporter quelque chose ou quand je trouve leur juste place.
Pour les Derniers Rêveurs, j’avais l’histoire d’un couple bancal, faisant partie de réfugiés d’une planète ressemblant fortement à Mars et qui tentaient de se sauver vers l’unique autre planète apte à accueillir la vie du système. Un peu comme une relecture de la Genèse.
Dans le même temps, l’exposition « En Chemin » du Musée d’Arts de Nantes, dans lequel je travaille, proposait diverses œuvres contemporaines. L’une d’elles était composée d’une série de neuf néons représentant certains nuages par leur symbole issu de la Classification des Nuages… J’ai réutilisé ce motif pour en faire une sorte de calendrier ainsi qu’une manière pour les personnages d’aborder leur univers.
Tout ceci a mûri dans ma tête. J’ai aussi mis à profit le temps de confinement pour en tirer quelque chose de positif. L’œuvre finale s’est transmutée et enrichie au fil des recherches, de l’écriture et des échanges pour donner le livre que vous pourrez lire très bientôt.
Quelles sont vos méthodes d’écriture ?
La discipline !
Bon, c’est un peu sommaire, mais c’est vraiment ça.
Pour plus de détails, j’écris un peu chaque jour, sur le temps du midi, pour toujours avancer. J’ai appris que l’inspiration elle-même se travaille, que l’on peut s'entraîner dans l’écriture comme n’importe quel sport et que, du moment que vous avez un ordinateur portable, de la musique pour vous isoler et, c’est mieux, internet pour les recherches ou des aides de synonymes par exemple, vous pouvez écrire n’importe quand et n’importe où.
Je suis davantage un écrivain « architecte », c’est-à-dire que je réalise des fiches, prépare la structure du récit, écris en avance des petits résumés de mes chapitres avant de me lancer. Mais, grâce à ce projet notamment, j’ai aussi davantage laissé l’inspiration du moment guider mes mains. Disons que je suis 75 % architecte et 25 % jardinier dorénavant.
J’ai appris à me faire confiance, et ça, c’est certainement le plus important.
Avez-vous d’autres projets en cours aujourd’hui ?
Pour le moment, j’œuvre aux côtés d’une autrice et de deux autres auteurs sur un roman de science-fiction. Chacun de nous écrivons plusieurs épisodes un peu à la manière d’une série télévisée. C’était extrêmement enrichissant d’essayer l’écriture à plusieurs mains ! Cela nous a tous nourri, de la même manière qu’il faut par exemple s’essayer à la poésie ou aux nouvelles pour tester de nouvelles choses.
Sinon, j’ai plusieurs projets dont la phase de « préproduction » se termine. Je dois juste me décider par lequel commencer. Le cœur balance ainsi que la tête, mais pas forcément dans la même direction. Et je me demande bien comment faire pour trancher !
Si vous deviez amener un seul livre sur une île déserte, lequel choisiriez-vous ?
Le Manuel de Survie de Colin Towell. Un peu de pragmatisme, afin de sauver sa peau et revenir pour raconter cette histoire !
Je me doute que la question avait un autre sens. Je dirais donc très simplement Le Nom du Vent de Patrick Rothfuss. En plus de ses qualités et de la nostalgie qu’il me procure, il s’agit d’un pavé de plus de 900 pages.
Cela permettra de tenir l’ennui éloigné un peu plus longtemps !