Entretien avec Aude Raga

Bonjour Aude, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Bonjour les Titanides ! Je suis Alsacienne, autrice et neuroscientifique. La littérature et la science sont mes deux grandes passions.

Concernant la littérature, j’écris pour le plaisir depuis l’enfance, avec une prédilection pour l’imaginaire et la littérature blanche. Je suis aussi une collectionneuse de bandes dessinées dont les univers fantasy/SF/Western m’ont toujours habitée.

Côté scientifique, j’ai soutenu ma thèse à l’Université de Strasbourg en 2014, puis je suis partie travailler à l’étranger, à l’Université Macquarie à Sydney (Australie) d’abord, puis à l’institut RIKEN à Tokyo (Japon), où j’étudie la démence et la paralysie causées par des protéines mal formées dans le cerveau.


Comment vous est venu le goût de la lecture et de l’écriture ?

Très tôt ! J’ai toujours lu et écrit. Ma mère est professeure de français et toute jeune, elle m’a mis des livres dans les mains et transmis son amour des lettres. D’où vient mon envie d’écrire ? Peut-être de la frustration de ne pas trouver en rayon les histoires que j’ai en tête ! Sans compter qu’être émerveillée par le tour de magie ne me suffit plus ; je veux connaître l’envers du décor ! Comment une émotion est transmise, pourquoi des images mentales se forment, quel est le rythme de notre voix intérieure ? De fait, j’ai plaisir à disséquer les chapitres et les phrases de mes romans préférés. Il n’est pas rare que je relise un roman plusieurs fois. L’écriture est un laboratoire d’expérimentation pour moi.


Y a-t-il une œuvre en particulier qui vous a marquée ?


Beaucoup ! Si je dois n’en citer qu’une, je dirais l’œuvre de Kazuo Ishiguro, prix Nobel de littérature en 2017. Auprès de moi toujours (SF), les Vestiges du jour (historique), le Géant enfoui (fantasy), dont le thème central est la mémoire, comptent parmi mes romans préférés. J’ai dû les relire mille fois. Ils sont brillants !



Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de devenir autrice ?

J’écris depuis toute petite. En primaire, j’ai créé des albums pour enfants (une cinquantaine dans mes tiroirs !). Au collège-lycée, j’ai écrit le premier jet d’un roman fantastique. Comme j’aime beaucoup la BD, j’ai bifurqué vers l’écriture de scénarios dont certains ont parfois été adaptés en films (dois-je dire : en nanars !) avec des amis. En fac, j’ai écrit un mémoire, une thèse et des articles scientifiques. Je suis partie vivre en Australie pendant 3 ans, puis au Japon 5 ans, et j’écris depuis des carnets de voyage et des magazines qui relatent les dernières anecdotes de mon quotidien et de mes voyages. Je les envoie à mes proches qui me font des retours. Pendant mes 4 heures de trajet quotidien en train pour aller au travail, j’ai écrit une nouvelle qui est progressivement devenue un roman, le Darrain.


Comment vous est venue l’idée du Darrain ? Quelles sont vos inspirations pour cet univers ? Aviez-vous des messages à transmettre ?

Lorsque j’ai commencé à écrire le Darrain, Donald Trump venait d’être élu président des États-Unis. Au même moment, je finissais le jeu vidéo The Witcher dont le thème central est l’intolérance, avec une réflexion autour de la figure du monstre. J’ai commencé à réfléchir à un roman de fantasy politique dans lequel je décrirais le populisme et la montée de l’intolérance au sein d’une cité médiévale. Pour ce faire, j’ai utilisé la figure du vampire, pourtant peu présente en medieval-fantasy, car je voulais jouer avec les propres préjugés des lecteurs. Dans mon roman, loin de l’image du prédateur qui est normalement attachée aux vampires, les Darrains possèdent leur propre culture, mais se reproduisent par le sang et sont donc perçus comme des monstres par le reste de la population. J’ai profité de mon expérience à l’étranger pour créer un monde à la croisée entre l’Europe et l’Asie.


Quelles sont vos méthodes d’écriture ?

J’écris par couches successives, si bien qu’au début, mon premier jet ressemble à un squelette tout nu que je viens progressivement étoffer. J’écris d’abord la trame, un résumé le plus détaillé possible, puis les chapitres qui me plaisent le plus, et enfin des descriptions ou des dialogues à part. Ceux-ci constituent tous des pièces de puzzle qui m’aideront à habiller le roman par la suite. Je relis le tout, je corrige et j’étoffe. Je relis le tout, je corrige et j’étoffe, à l’infini.

Le Darrain est un roman choral à cinq points de vue ; ces axes narratifs ont été conçus de façon détachée, puis assemblés tels des bouts de tissus cousus ensemble, en vue de former une grande tapisserie. Je n’hésite jamais à supprimer une pièce pour la remplacer par une autre, par curiosité. Ainsi, en six ans, j’ai eu au bas mot des centaines de versions différentes du Darrain ! Il me reste encore des bouts qui pourraient chacun constituer une nouvelle.


Avez-vous d’autres projets en cours aujourd’hui ?

En ce moment, je finis des nouvelles dans le monde du Darrain et un album fantasy pour enfant. J’ai commencé un roman de littérature blanche et je jette en parallèle les bases d’un roman de science-fiction. La neuroscience sera au cœur de ces deux histoires.


Si vous deviez amener un seul livre et un seul jeu vidéo sur une île déserte, lequels choisiriez-vous ?

Ah ! Difficile choix ! Je dirais Trône de Fer, un livre bien gros qu’on peut lire et relire en découvrant sans cesse des détails qui nous avaient échappés en première lecture.

Pour le jeu, je reste sur The Witcher, une fantasy qui m’avait surprise et beaucoup plu, même si j’hésite énormément avec Disco Elysium, une excellente fantasy contemporaine.

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