Les recommandations des Titanides n°2 - De bons présages de Neil Gaiman et Terry Pratchett
« On comprendra peut-être mieux les affaires humaines s'il est clairement dit que ce ne sont pas des gens fondamentalement bons ou fondamentalement mauvais qui sont à l'origine des plus grands triomphes ou des plus grandes tragédies de l'Histoire, mais des gens fondamentalement humains. » Neil Gaiman et Terry Pratchett, De bons présages
De bons présages, ou Good Omens: The Nice and Accurate Prophecies of Agnes Nutter, Witch, de son petit nom anglais, a été publié en 1990 par les Éditions Gollancz (1995 par les éditions J’ai lu en France). Ce livre est le résultat d’une collaboration amicale entre deux grands noms de l’imaginaire anglophone, Sir Terry Pratchett et Neil Gaiman.
Ce petit trésor est longtemps resté caché dans l’ombre des autres titres des auteurs. Une bizarrerie qui, il semblerait, a finalement pris fin lorsqu’après des années de discussions et d'incertitudes, une série adaptée du roman a vu le jour en 2019. Proposée par Amazon, celle-ci a eu un succès retentissant (assez pour une possible saison 2, tout du moins), et a le mérite somme toute assez extraordinaire d’avoir de façon générale plu à la fois à ceux qui ne connaissaient pas l’histoire, mais également à ceux qui l’avaient lue plusieurs fois. Peu étonnant, néanmoins, quand on sait que Gaiman a été fortement impliqué dans la création de cette série — et ce parce qu’il en avait fait la promesse à Pratchett, quelques années avant son décès.
Mais aujourd’hui, nous souhaitons nous concentrer sur le livre — même si, en guise d’aparté, la série est effectivement 1. fidèle au livre 2. très bien réalisée et pleine d’acteurs talentueux 3. facile à trouver pour ceux qui ne voudraient pas trop donner au diable.
Mais qu’est-ce donc, exactement, que De bons présages ? Et bien, rien de moins que l’histoire de la fin du monde, la naissance et l’enfance de l’Antéchrist, sa bande d’amis, un ange et un démon un peu trop attachés aux humains, la descendante d’une puissante sorcière, le descendant d’un grand chasseur de sorcières, ah et aussi les motards de l’Apocalypse — tout cela sur une bande-son de Queen, oui oui, même dans le roman.
Plus sérieusement, De bons présages est, de prime abord, une parodie du film La Malédiction (1976). On y suit une pléthore de personnages divers et variés alors que les jours de l’humanité sont comptés. En effet, onze ans auparavant, les démons ont échangé un enfant humain contre le fils de Satan, l'Antéchrist. Néanmoins, suite à une légère erreur de bonnes sœurs satanistes un peu trop zélées, celui-ci se retrouve élevé dans une famille tout à fait banale, à Tadfield, un petit village anglais, et non pas dans la famille d’un ambassadeur américain, comme cela était prévu. Erreur qu’anges et démons ne réalisent qu’un peu trop tard, quelques jours avant la fin du monde annoncée.
Sur un ton humoristique très british, l’intrigue se concentre tout particulièrement sur Aziraphale, un ange qui tient une librairie et n’aime pas vendre ses livres, et Rampa (Crowley, dans la version originale), un démon qui aime sa voiture et insiste sur le fait que la meilleure façon d’avoir de belles plantes est de les terrifier jusqu’à ce qu’elles poussent bien. Agents sur terre depuis des millénaires, l’ange et le démon ont, au fil du temps, fini par se lier d’amitié, et ne souhaitent pas vraiment que l’humanité et tous les petits plaisirs humains disparaissent. Ils se donnent donc pour mission de faire tout le nécessaire pour que l’Antéchrist ne grandisse ni trop bon ni trop mauvais. Comprendre qu’ils s’occupent du mauvais enfant depuis des années les entraîne de fait dans une course effrénée contre le plan Ineffable du Créateur de l’Univers.
L’intérêt premier de ce roman est qu’il est très drôle. On y retrouve les marques d’humour des deux auteurs, une bonne dose d’absurde fantastique, et un détournement impie et joyeux à la fois de nos préoccupations très humaines et quotidiennes, et de la grande histoire chrétienne. L’intrigue est haletante, mais le narrateur ne manque pas de faire des petites remarques ici et là sur tout ce qui entoure nos personnages principaux. Un choix de légèreté qui donne du baume au cœur et le sourire aux lèvres à chaque page.
Tous les personnages ont également des personnalités si distinctes et excentriques qu’il est difficile de ne pas s’attacher à eux et encore bien plus compliqué de les oublier par la suite. On suit avec angoisse la lente descente d’Adam, notre fameux enfant Antéchrist, vers son inévitable destinée, on ne souhaite que le bonheur de notre chère Anathème et de son compagnon Newton, et, bien sûr, on suit avec plaisir les stratagèmes et idées plus ou moins efficaces d’Aziraphale et Rampa, qui, somme toute, ne réussissent pas à grand chose, mais qui sont sans aucun doute les personnages les plus intéressants de l’histoire.
Mais derrière toute cette première lecture, il est aussi important de souligner que cette œuvre est une petite ôde à l’humanité. Une ôde à l’humain, qui peut être aussi affreux que bon, et qui de fait en devient imprévisible, devenant celui qui peut faire pencher la balance morale d’un côté ou de l’autre. À l’humain qui a fait des choses horribles — avec si peu d’aide des démons — mais qui a aussi créé des choses magnifiques — et ce, sans avoir tant besoin d’inspiration angélique. Si Rampa et Aziraphale aiment tant l’humanité, c’est aussi pour cette flexibilité de choix que leurs camps respectifs ne leur offrent pas.
C’est aussi une ôde à ce que l’humanité a fait de plus “quotidien”. Toutes ces petites joies comme notre nourriture, par exemple, ou nos livres. Si l’on essaie de sauver l’humanité dans ce roman, ce n’est pas parce qu’elle est si grandiose que ça, mais bien parce qu’elle est faite de plein de petits miracles ordinaires finalement assez agréables.
Enfin, on y défend aussi le droit de se faire sa propre destinée. Cette histoire offre à tous ces personnages ou presque la chance de refuser ce qui semble pourtant inévitable. Rien n’est si ineffable que l’on ne peut pas se rebeller un peu : contre les attentes des autres, contre les injonctions sociales de son milieu, contre le poids de son passé et de ses ancêtres. Parfois, avec un peu de chance, de bons amis et de bons conseils, on peut renverser une situation plutôt désespérée d’une seule phrase bien pesée (bon, et un pouvoir incommensurable — tout le monde n’est pas l’Antéchrist, on le concède).
Les recommandations des Titanides :
Good Omens - Amazon Prime Video
Les Annales du Disque-Monde - Terry Pratchett
American Gods - Neil Gaiman
Bibliographie :
De bons présages, Neil Gaiman et Terry Pratchett
Good Omens, Douglas Mackinnon et Neil Gaima (Amazon Prime Video)
La Malédiction, Richard Donner (20th Century Fox)
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